Il fait froid ce matin. Un de ces froids malsains et humides qui vous saisissent jusqu’à l’os. Peu importe le nombre d’épaisseurs que vous superposez, vous tremblerez toujours un peu. Maryse, elle, ne trembe pas. Un simple t-shirt rose tâché de javel, sa blouse bleue, un gilet de laine kaki, des mitaines rongées et une Marlboro. Ça lui suffit pour tenir. Le jour est à peine levé mais elle travaille depuis plusieurs heures déjà. Elle a déjà passé sous un jet d’eau glacée les bennes à ordures. Les sols sont déjà secs dans les halls d’entrée. Il n’y a plus rien qui traine aux alentours des immeubles. Au moment où elle commençait sa journée, elle a croisé le petit jeune du cinquième qui rentrait, les yeux rougis cachés sous l’ombre de sa capuche. Elle a vu le plombier du onzième qui, comme tous les matins, lui emprunte son briquet pour allumer la gitane-maïs jaunissant depuis des années sa moustache. Il n’y a plus que lui et les quelques retraités du rez-de-chaussé qui lui disent encore bonjour. Ce n’est pas important finalement. Maryse sait bien qu’elle ne fait pas partie des personnes à qui l’on aime s’adresser. On vient la voir quand quelque chose ne va pas, pour se plaindre, pour lui demander un service, rarement pour la remercier. De toute façon elle n’aime pas trop causer, les commérages ce n’est pas pour elle. Pourvu que le travail soit bien fait. Et qu’on lui laisse la paix. Mais ça n’a pas suffi. Elle arrêtera son service pour de bon à la fin du mois. Ils appellent ça une restructuration. La petite Lucille qu’elle a formé l’été dernier devra s’occuper de son secteur. Elle n’y arrivera pas. Mais c’est sans importance. Maryse en a fini pour aujourd’hui. Elle referme la porte d’entrée, choisissant au milieu d’un trousseau de clefs lourd comme une enclume celle qui convient. Elle descend à la chaufferie. La tête lui tourne. Personne n’a rien senti. Pourtant depuis ce matin, les vannes de gaz emplissent sans discontinuer les fondations de l’immeuble. Une dernière cigarette.
Sont plutôt durs tes deux derniers textes… mais bien écrits quand même