5h27.
Je ferme les yeux.
5h29.
Je pensais pourtant être resté immobile suffisamment longtemps. Inutile de forcer, c’est foutu; je ne me rendormirai pas. Je roule jusqu’au bord du lit et me réceptionne sur le tapis dans un mouvement que je voudrais élastique. Mais concrètement, je dois avoir la légèreté d’un hippopotame sous intraveineuse éthylique. La voisine du dessous me hait déjà, alors peu importe je ne redorerai pas mon blason ce matin.
J’aime pas ces débuts de journée. Je navigue à vue entre différents points d’ancrage de l’appartement. La télé, la chambre, le pc, avec le frigo comme port d’attache. Un morceau de fromage par ci, un oeil sur mes mails par là. J’actualise les pages de réseaux sociaux en tentant des mélanges douteux d’alcool et de jus de fruits périmés. Tous comptes fait, je mangeais mieux quand j’étais ado. J’aimerai dire que l’après midi sera plus productif mais sans pessimisme aggravé, mes activités ne devraient pas beaucoup varier par la suite. J’arriverai péniblement à 3h00 du matin, en colère contre moi-même de n’avoir rien fait de ces heures libres. J’aurais quand même trouvé plusieurs excuses pour ne pas sortir, ne pas ouvrir les volets, ne pas me laver, ou ne pas répondre au téléphone. Heureusement la vie moderne offre des tas de dévoreurs de temps. Des milliards d’images à faire défiler, de vidéos à voir, de musique à écouter et de livres à lire. Quel hypocrite. J’ai les yeux tellement bouffés par les écrans que je ne peux plus lire sans pleurer.
Je massere dans mon jus, les yeux rouges et sans humeur.
Le soleil fini par traverser les persiennes et je me décide à aller ouvrir les volets pour la première fois depuis des mois. Il n’est pas encore midi pourtant la chaleur m’étouffe à l’approche des volets en métal.
En ce début de journée je prévois quand même de faire quelque chose. Des photos peut être. Ou un texte. Pourquoi pas essayer de filmer deux ou trois choses qui me passent par la tête et coller une musique dessus. Plus tard. J’ai encore le temps. Mais non. À la place j’aurais suivis la vie de personne que j’aimerai connaître juste pour m’approprier une part de l’originalité de leur vie. J’aurais bavé devant les photos que je ne prendrais jamais. Vu de clip et des merveilles de créativité qui se refusent toujours à naître en moi. Au lieux d’essayer avec la certitude de faillir, mieux vaut admirer le talent des autres. Ça fait peut-être mal de se dire qu’on ne créé rien, mais le temps n’est pas si perdu. On aperçoit un peu de beauté, ça comble un peu le vide qu’il y a entre mes mains. C’est plus honnête. Plus lucide.
C’est surement pour ça que j’ai revendu ma guitare.
Mais je garde l’appareil photo.
Juste au cas où…
Je ne sais pas si c’est celui-ci, de texte, mais je vois que tu as réussi à le conclure.
On se ronge tous face aux mêmes angoisses, finalement.