J’aime pas le Nord

Hier soir je voulais m’atteler à écrire avant Février pour signifier la nouvelle année, mon bulletin de santé etc. Je me sentais un peu obligé de faire quelque chose avant qu’on ne me pense mort. Et puis non. Alors j’ai joué.
Hier soir donc, après une énième défaite consécutive sur League of Legends, je me suis relancé dans la lecture de « L’élégance du Hérisson », que je lis par ci par là. Et puis, chapitre 12, à un quart du livre à peine, je l’ai refermé. Définitivement. Je ne voulais plus me forcer.
Pour faire court, le livre alterne les chapitres selon deux points de vue:
Celui d’une gosse de riche intelligente et consciente de l’être qui prévoit de se suicider tant la lucidité qu’elle a de sa future vie d’adulte l’écoeure. Et de l’autre, le point de vue de la concierge de l’immeuble dans lequel vit la gamine. Cette concierge autodidacte et hautement cultivée aux goûts d’esthète passe le plus clair de son temps à cacher sa culture de peur d’être découverte hors des normes et à mépriser gentiment ses congénères.
Déjà après deux chapitres tu as compris le pitch, la gamine ne va PAS se suicider puisque madame Michu va lui montrer la richesse du monde et la gamine va ouvrir madame Michu au monde et une amitié sincère inter-générationnelle va naître. C’est beau. Enfin je suppose puisque je ne l’ai pas fini. Le journal intime de la gamine s’apprecie un peu quand on arrive à passer outre le côté pré-ado suicidaire en plein cliché. Mais pour la partie concierge c’est juste impossible pour moi. Extrait:

« […]N’est-ce pas par la force de discours bien appris que nous portons aux nues les créations de l’homme tandis que nous dénonçons du crime de vanité illusoire la soif de domination qui nous agite tous –oui, tous, y compris une pauvre concierge dans sa loge étriquée qui, d’avoir renoncé au pouvoir visible, n’en poursuit pas moins en son esprit des rêves de puissances ? »

Toutes les parties monologués de la concierge sont écrites dans ce style qui représente tout ce qui me gonfle dans la littérature française. C’est d’une lourdeur, d’une prétention, le besoin tellement grossier de faire des phrases, de placer du vocabulaire, des références, des tournures, des fioritures, des formules, que c’en devient imbuvable. Le succès littéraire du bouquin m’interroge donc, on l’a même adapté au cinéma (pas vu non plus).

Bref je ne veux plus me forcer à lire des choses qui me gonfle. J’ai accordé une chance de 100 pages au bouquin qui en contient 400. Raté.

Je voulais vous parler de deux sujets dans des prochains posts. Le Nord et mon Boulot. Il se trouve que l’élégance du hérisson m’a fait pensé au Nord. Je m’explique:

Avant de commencer à m’épancher, je tiens à préciser que ce que je vais dire n’est que mon ressenti et en aucun cas une vérité générale. Comme tout le monde je peux me tromper, mal juger, méconnaître que sais-je encore. N’empèche, cela fait un petit moment que j’ai déménagé à Lille maintenant. Juin 2012, quelque chose comme ça. Un petit moment que j’essaie de trouver de l’intéret à la région. Et il y en a. La ville bouge pas mal en terme de concert, de spectacle, d’événement culturel, y’a pas mal de bar et d’animation le soir, le vieux-Lille est joli, on y trouve de bons restaurants et la bière Belge de qualité coule à flot et en variété. Si on s’éloigne beaucoup, la côté Nord-Ouest est même assez belle à voir. Mais voilà je n’aime toujours pas le Nord.
Sans étaler les clichés, le Nord me semble surtout vide. Des champs de patates, de navets et de choux de Bruxelles à perte de vue. Des lignes droites. Des paysages plats. Une absence étouffante de forêt, de relief. Quand je prends ma moto pour rouler je sais que je ne trouverai pas de coin sympa sans faire plus d’une heure de route. Le décor est déprimant. Si le Nord est réputé pour l’Urbex, il y a une raison. Dans toutes les plus petites villes on trouve des maisons abandonnées, délaissées et fermées. En face de chez moi, un peu plus loin. Partout.


Ce qui me dérange le plus dans cet abandon, c’est qu’il dure. Les terrains ne sont pas récupérés par les villes. Les bâtiments ne sont ni réhabilités ni détruits. On laisse ça comme ça et on met un grillage autour si c’est un peu dangereux. Le coin me semble en constante décrépitude, sans volonté d’y faire quoi que ce soit.

Cet aspect global est renforcé par la saleté environnante. Évidemment si vous restez au coeur de Lille, c’est à peu près propre. Mais il suffit de s’éloigner un peu pour voir ce qui m’a le plus choqué ici. C’est crade. On rappelle sans cesse sur les voies rapides qui ne faut pas balancer son merdier partout.

Le plus souvent sans succès. J’étais toujours étonné en début de mois de voir la quantité de déchets jetés dans les rues au passages des encombrants. Des tas d’un mètre de haut devant chaque porte. On trouve des décharges improvisées un peu partout en se baladant. Dans les rues tout est jeté par terre comme si c’était normal. Cet aspect crasseux est empiré par la pluie d’une régularité accablante. Tout semble gras et poisseux.

En parlant de pluie, je ne pense pas qu’il pleuve beaucoup plus souvent qu’ailleurs mais c’est pourtant ce que je ressens. Les rues semblent toujours recouvertes de la dernière pluie, de cette couche luisante qui ne sèche que pour quelques minutes. Avant de ce pointer au moment où vous vous croyiez à l’abri. Il ne pleut pas plus, il pleut plus régulièrement qu’ailleurs je crois.

J’en arrive au dernier aspect du Nord qui devrait remonter le tout: les gens

Au concert de Birdy Nam Nam l’autre soir, l’un des DJ reprenait avec un grand sourire les paroles d’une chanson d’Enrico Macias  : « Les gens du Nord ont dans le coeur le soleil qu’ils n’ont pas dehors ». Et c’est pas faux. Le public est réputé le meilleur de France. Mais pas que.

C’est aussi ici que j’ai vu le plus de mendiants. À tous les feux de grand passage, dans la rue, dans le métro. Des clochards, des punkachien, des immigrés roumain ou d’ailleurs. C’est aussi ici que j’ai vu le plus de racistes qui pensent ouvertement qu’il faudrait foutre le feu à tous les camps de roms qui poussent comme des champignons. J’ai aussi rarement croisé autant d’alcooliques déambuler dans les rues. Peut-être que c’est à cause des stéréotypes sur la région que je le remarque plus qu’ailleurs. Je remarque aussi plus d’handicapée à différents niveaux. Physique, des démarches difficiles, ou mentale avec pas mal de gens qui auraient besoin d’un traitement mais qui se baladent simplement en se parlant, s’insultant tout seul ou les autres. Je passe sur le forte proportion de mère avec 3 ou 4 enfants qui semble subir leur gamins plus que les élever. L’ensemble me donne parfois l’impression de parcourir la cours des miracles.

Quand j’essaie de conclure, je repense donc à l’élégance du hérisson. Je me demande si du haut de mon regard extérieur et hautain, je ne reproche tout simplement pas au Nord d’être pauvre alors que je ne suis pas mieux. Si en fait ce n’est pas juste ça les villes « populaires », avec un des plus hauts taux de chômage. Je me dis alors que je suis juste un mec de classe moyenne avec un regard méprisant sur ses semblables. Un peu comme cette concierge du bouquin qui m’insupportait tant.

Je ne sais pas trop.

Au final, ce que le Nord a de mieux à offrir, c’est sa facilité à le fuir. On n’est pas loin de la Belgique, de la Hollande, de l’Angleterre, de Paris.

Et puis, qui sait, j’ai peut être des choses à y découvrir encore. Et mon regard peut changer. On verra

Bonne année quand même !

6 commentaires

  1. Le problème c’est que quand on commence à tiquer sur les points négatifs de quelque chose, on finit par ne plus voir que ça, on renforce son opinion, on découvre encore plus de points négatifs, et rien ne trouve grâce à nos yeux. Je ne dis pas que le Nord c’est super fun, mais peut-être qu’en étant moins obnubilé par le sombre, tu pourrais un peu voir les choses différemment. Sinon j’avais bien aimé L’élégance du hérisson, l’amitié est peut-être archi-convenue mais ça finit pas si bien que ça… est-ce que tu as été jusqu’à l’arrivée du voisin japonais ?