L’empereur pourpre avait balayé en seulement un an toute résistance sur le continent. Ses partisans comme ses détracteurs attribuaient cette réussite à deux facteurs.
Le premier était la pratique d’une magie sinon noire, pour le moins obscure. On se racontait au coin du feu comment il avait tordu l’esprit de certain de ses adversaires pour qu’ils le rejoignent docilement, comment il avait maudit certains lieux d’affrontement à son avantage, rendant les terres gluantes pour ses ennemis, on disait qu’il pouvait même commander à la nature et que s’il le souhaitait, des rivières sortaient de leur lit pour noyer des armées entières. Les récits les plus incohérents se diffusaient à son sujet, on évoquait un pacte de sang avec des démons, des animaux sauvages s’immisçant dans la bataille à son profit ou des vagues d’insectes envahissant les camps adverses la nuit précédant le combat. Il était difficile de tirer le vrai du faux mais impossible de ne pas croire en une part de vérité. L’empereur avait des pouvoirs cela était certain, seule leur porté était inconnue et c’était là le principal problème de ceux qui voulaient sa perte.
Son armée était menée par son plus fidèle général, Istoban LaTour, un chevalier réputé invulnérable sur le champs de bataille et c’était à lui qu’on accordait l’autre partie du succès des différentes campagnes visant à « unifier les peuples ». Ses stratégies militaires était implacables et violentes. Fier et vindicatif , il avait prit pour habitude de mener les assauts en première ligne contrairement à la logique admise qui veut que les têtes pensantes décident des plans à suivre, bien cachées à l’arrière des lignes alliées. Istoban n’avait qu’un seul plan, massacrer les forces qui lui faisaient face jusqu’à réédition de celles-ci ou jusqu’à l’anéantissement de toute opposition. Cette technique avait porté ses fruits et à mesure qu’il progressait vers la côte, sa légende grandissait et poussait les seigneurs à se rendre avant d’entamer la moindre hostilité. Sauf la Comtesse de Dunhill. C’était elle qui avait tenu tête le plus longtemps. L’affrontement avait duré deux jours.

La forteresse de Dunhill était située en haut d’une colline surplombant la zone. C’était une cité ancestrale bâtie dans la roche la plus dure du pays, avec des murs épais et solide que le temps n’avait jamais ébréché. L’armée d’Istoban avait été aperçue plusieurs heures avant qu’elle assiège les portes d’acier et la Comtesse Vera de Dunhill avait pris les devants en mettant son peuple à l’abri avec suffisamment de vivre pour tenir un siège de plusieurs mois. Istoban envoya un émissaire pour décider d’une manière convenable de se rendre. Quand il reçu une réponse négative, trois machines de guerre commencèrent à lancer des boulets sur les murs. Sans autre effet que l’éclatement des boulets contre les parois. Les machines se turent et Istoban se retira dans sa tente sans un mot. Quand le soir tomba, l’armée se retira au bas de la colline et certains soldats commençaient déjà à parler d’échec.
Au cœur de la nuit, Istoban était toujours absent. Assis sur un trône d’ébène rudimentaire et sans ornement, il était pourtant actif depuis plusieurs heures. Entre ses gantelets de fer, il manipulait sans lassitude un sablier forgé aussi long que son avant bras. Le métal était torsadé, noueux, presque supplicié et des grains de sables dorés s’écoulaient lentement entre deux vases si cristallin qu’ils semblaient invisibles. Un regard plus appuyé sur ces grains de sable nous révèle pourtant un détail important: les grains de sable sont en réalité de minuscules crânes humains sculptés dans l’or, chacun d’entre eux étant différent des autres. Pour peu que l’on resta assez longtemps à observer ce mouvement quasi-perpétuel, on pouvait observer un phénomène étrange, en effet, à chaque rotation pour relancer le décompte du temps, des crânes disparaissaient. En quantité négligeable au premier abord mais le fait était là. Le sablier serait bientôt vide.
Dans la fraîcheur du matin, un bruit sourd, comme un tambour de guerre étouffé, se fit entendre dans la tente d’Istoban et quelque chose émit un flash de lumière obscure qui souleva la toile de la tente un bref instant. Quelques minutes plus tard, Istoban sortait suivi de trois prêtresses et deux prêtres encapuchonnés de pourpre. Leurs tuniques étaient marquées de différentes runes alambiquées et de lourdes bagues d’argent leurs cerclaient les doigts. Sur la main gauche, on pouvait deviner un tatouage sang et cendre représentant une serre d’aigle. Une marque qu’on ne pouvait confondre avec aucune autre, celle des augures de l’empereur.
Des instructions furent données et à chacun d’entre eux fut attribué une escorte de protection. Ils se repartirent alors équitablement autour de la citadelle et commencèrent alors une procession en tournant autour de celle-ci. Chacun d’entre eux psalmodiait des incantations tout en marchant à allure lente sous les flèches des gardes de Dunhill. L’armée impériale observait, intriguée par ce cortège inquiétant, la lente valse. Après une heure de cet étrange manège, les premiers signes furent visible. Par endroit, le mortier qui unissait les murs s’effritait. En haut des remparts, les archers redoublait d’effort et quand un des membres de l’escorte en contrebas était abattu, deux nouveaux soldats parés de bouclier prenait sa place. Un halo de poussière commençait à embrumer toute la forteresse. Les jointures entre les blocs de pierre disparaissaient lentement, emportées par le vent et les incantations. Quand le premier roc, lourd de plusieurs tonnes se détachât des parois, des cris de joies se firent entendre dans tout le camp. De l’enceinte de Dunhill, parvenaient des cris de panique. À mesure que le chateau se morcelait, la ronde formée par les oracles s’élargissait.
Un drapeau blanc fut hissé en haut du donjon et les oracles se retirèrent dans la tente d’Istoban. Les hommes attendaient tous d’attaquer le fort mais le Général resta silencieux. Quand la porte d’acier principale s’ouvrit, il ordonna de tuer tout ceux qui tenteraient de quitter Dunhill. Dans la panique, plusieurs personnes fuyaient leur cité qui s’abattait sur eux. Leurs courses furent stoppées net par des flèches qui n’avaient que trop longtemps attendu d’être tirées. Quelques minutes plus tard, dans un vacarme évoquant la mort d’une montagne, tout s’effondra dans un colossal nuage de poussière, qui avait été vu à plusieurs miles de là. Quand le dernier bloc atteint le sol, un râle d’agonie multiple et douloureux hantait la colline. Comme un château de cartes dans la brise, Dunhill, sa forteresse, son peuple et sa comtesse avait été balayé de la carte. Istoban n’avait pas bougé, pas tressailli d’un pouce de toute la matinée. Le nuage de poussière n’était pas encore dissipé que l’armée reprenait sa marche inexorable vers la côte. Une faction avait été laissé sur place pour achever les blessés et piller ce qui pouvait l’être.
La colline est désormais connue sous le nom de Dungrave et les voyageurs font parfois de large détours pour éviter ses ruines.