Derrière ce mur invisible, je suis bien. Aux yeux des autres je suis un tordu, un malade même d’après mon psy. On s’inquiète de mon comportement, pas seulement lui. Je vois parfois cette peur dans leurs regards, cette inquiétude dissimulée, une panique qui guette sous la surface, pourtant je ne leurs veux aucun mal, je ne souhaite aucun autre contact que celui de mes prunelles sur leurs visages, je suis un contemplateur, je me contente du bonheur simple d’observer. La subjugation banale du quotidien. Je ne veux pas arracher de mèche de cheveux, ni les égorger dans une ruelle sombre, pas plus que je ne souhaite les violer. Je ne demande que le droit de les admirer dans un silence religieux, bien à l’abri dans ma cathédrale d’anonyma. Et si parfois je vous suis, ce n’est que pour prolonger l’instant sublime, à la manière de ceux qui, dans la salle de cinéma, reste jusqu’à la fin du générique dans l’espoir d’une scène de plus et se consolent en savourant jusqu’au bout l’atmosphère qui stagne encore quelques minutes.
Il y a bien longtemps que j’ai renoncé à vous aborder pour vous signifier votre envoûtante beauté, que vous ignorez trop souvent, sans autres arrières-pensées que ce simple compliment. Hélas, mille fois hélas, lorsque que vous ne pressez pas le pas pour me fuir comme un animal aux aboies, vos réactions sont mitigées. Au mieux, j’ai droit à un sourire gêné et une retraite stratégique, au pire vous m’insultez publiquement, la main serrée sur votre bombe au poivre. Je ressens alors la colère d’un châtiment divin et immérité, il ne me reste alors plus qu’à me terrer.
Alors voilà, je suis bien mieux à distance raisonnable, à mirer vos yeux, vos lèvres, à estimer la douceur de vos peaux, deviner la courbure de vos seins, détecter vos manies, à lire vos gestes nerveux et interpréter l’origine d’une bague. Je resterai à jamais ce maniaque qui vous regarde bizarrement, ce dérangé, cet obsédé libidineux. Je ne vous en veux pourtant pas, et sans rancoeur, vous, mes muses fugaces, mes déesses païennes que je ne vénère que pour un trajet entre trois stations de bus, je suis certain que pendant ce court instant, je vous aime certainement plus que vous en auriez jamais rêvé.
Très cool. Si t’étais à Bruxelles, je t’aurais filé une place gratuite pour aller voir Maniac.