Trois heures du matin. Il est forcément trois heures du mat’. C’est toujours à ce moment de la nuit que je me rends compte de mes conneries. Il fait nuit, il fait froid, et j’ai l’impression de marcher depuis des jours. En pleine campagne, une nuit sans lune et pas un brin de lumière à des kilomètres à la ronde. Je ne vois pas ce qu’il y a devant moi. Je garde un pied sur le bitume et un pied dans l’herbe par sécurité. ça me fait mal au dos mais au moins je ne me ferai pas surprendre par une voiture et je marche à peu près droit. Mes pieds aussi me font mal. Pas tellement à cause du dénivelé mais surtout parce qu’ils sont nus. Pas de chaussures. Plus de chaussure plutôt. Vestimentairement c’est pas glorieux. J’ai toujours mon jean un peu trop vieux et mon cuir trop grand. Le t-shirt aussi s’est fait la malle. J’ai encore les poches pleines de mon bordel. Je fouille dans mes poches en prenant garde de ne rien foutre en l’air; ce serait impossible de retrouver quelque chose dans le noir. J’ai du sable, un trousseau de clefs, des bouts de papiers, sûrement des tickets de caisses passés à la machine, trois briquets qui une fois combinés doivent pouvoir faire une flamme, du papier à cigarette, un paquet souple de clous de cercueil et mon couteau. Je sais même pas dans quelle direction je vais. Rome me parait loin quand même. Je peux marcher longtemps, ça me dérange pas mais ça me foutra les boules quand je me rendrai compte que j’étais pas dans le bon sens.
Le plus intelligent ce serait de trouver un coin pour me poser, piquer un roupillon et repartir quand il fera jour. Il n’y a plus très longtemps à attendre après tout. Mais je peux pas dormir par ce froid. Je peux pas dormir après ce qu’il s’est passé. Et cette foutue forêt qui longe la route me fait flipper. Ca sent pas les arbres que j’aime. Ca sent les champignons et les glands. Ca sent la moisissure et les merdes de hibou. je veux pas fermer les yeux près d’un endroit comme ça, alors je marche quand même en maudissant les cailloux qui viennent se coincer entre mes orteils. J’imagine déjà la futur douche brûlante qui tranformera ma peau en tissu flasque et l’eau en pétrole. Ce sera bien. Mais c’est loin. Pour le moment je suis loin de la salle de bain. Pour le moment mes tétons indiquent le Nord avec une rare vivacité. Pour le moment je m’arrête de temps à autre pour écoute. Pour savoir s’il me chercherait pas. Je suis dans son bled après tout. Ce serait logique qu’il me retrouve.
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Trois heures du matin. Il est forcément trois heures du mat’ quand je me rends compte de mes conneries. Il fait nuit, il fait froid, et j’ai l’impression de marcher depuis des jours. En pleine campagne, une nuit sans lune et pas un brin de lumière à des kilomètres à la ronde. Je ne vois pas ce qu’il y a devant moi. Je garde un pied sur le bitume et un pied dans l’herbe par sécurité. Ça me fait mal au dos mais au moins je ne me ferai pas surprendre par une voiture et ça me permet de marcher à peu près droit. Mes pieds aussi me font mal. Pas tellement à cause du dénivelé mais surtout parce qu’ils sont nus. Pas de chaussures. Plus de chaussure plutôt. Vestimentairement c’est pas glorieux. J’ai toujours mon jean un peu trop vieux et mon cuir trop grand. Le t-shirt aussi s’est fait la malle mais, mais au global je m’en sors avec les honneurs.
J’ai encore les poches pleines de mon bordel. Je fouille dans mes poches en prenant garde de ne rien foutre en l’air; ce serait impossible de retrouver quelque chose dans le noir. J’ai du sable, un trousseau de clefs, des bouts de papiers, sûrement des tickets de caisses passés à la machine, trois briquets qui, une fois combinés doivent pouvoir faire une flamme, du papier à cigarette, un paquet souple de clous de cercueil et mon couteau. J’ai aucun papier d’identité, si les condés me ramassent, je vais avoir l’air fin.
Je sais même pas dans quelle direction je vais. Rome me parait loin quand même. Je peux marcher longtemps, ça me dérange pas mais ça me foutra les boules quand je me rendrai compte que j’étais pas dans le bon sens.
Le plus intelligent ce serait de trouver un coin pour me poser, piquer un roupillon et repartir quand il fera jour. Il n’y a plus très longtemps à attendre après tout. Mais je peux pas dormir par ce froid. Je peux pas dormir après ce qu’il s’est passé. Et cette foutue forêt qui longe la route me fait flipper. Ça sent pas les arbres que j’aime. Ça sent les champignons et les glands. Ça sent la moisissure et les merdes de hibou. Je veux pas fermer les yeux près d’un endroit comme ça, alors je marche quand même en maudissant les cailloux qui viennent se coincer entre mes orteils. J’imagine déjà la futur douche brûlante qui transformera ma peau en tissu flasque et l’eau en pétrole. Ce sera bien. Mais pour le moment je suis loin de la salle de bain. Pour le moment mes tétons indiquent le Nord avec une rare vivacité. Pour le moment je m’arrête de temps à autre pour écouter. Pour savoir s’il me chercherait pas. Je suis dans son bled après tout. Ce serait logique qu’il me retrouve. Mais franchement, c’est pas quelque chose dont j’ai envie. Ma soirée a été suffisament compliquée jusqu’ici, j’ai besoin d’un temps mort. Au moins jusqu’à demain.