Eloa avait le don de se faire oublier. Elle s’habillait souvent de sombre et évitait le soleil. Elle camouflait ses cheveux dans la capuche de son long manteau qui la couvrait de la tête aux rangers. Pourtant de temps à autre, une mèche s’évadait sous son cou, dévoilant des boucles interminables d’une couleur qui lui aurait coûtée le bûcher en d’autres lieux et d’autres époques. Eloa n’aimait pas être vu, elle préférait voir. Son regard profond, noyé d’absynthe, semblait transpercer les âmes qu’elle choisissait comme sujet d’intêret. On finissait toujours par se sentir mal à l’aise en essayant de soutenir son regard. Ses yeux étaient injustes, une pure traîtrise de la nature en vérité, si elle pouvait voir à travers vous comme dans un verre d’eau en revanche il était impossible de deviner ce qui l’habitait. Une seule certitude, elle était jeune. Suffisamment pour ne pas avoir encore perdu cette flamme dans le fond de la pupille, ce mélange étrange entre naïveté, espoir, et innocence. Cette flamme qui s’éteint lentement à mesure que la vie écrase vos rêves et broie vos idéaux dans la médiocrité environnante. Généralement assez tôt. Trop tôt.
Il était difficile de faire parler Eloa. D’abord parce que l’approcher demandait du tact, de la patience et de la persévérance, ensuite parce qu’elle n’usait les mots qu’avec précaution, comme un bien précieux et rare auquel on ne devait recourir qu’en cas d’extrême nécessité. Et même alors, elle se contentait de vous éconduir avec élégance, sans une once de mépris qui pourtant avortait toute nouvelle tentative d’approche, comme on sait qu’un chat sauvage qui fuit votre main ne reviendra pas.
Eloa était belle, mais peu de gens le savaient.
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