2H37. Il est suffisamment tôt pour se coucher sans trop en souffrir demain. Demain. Techniquement j’y suis déjà, à demain. Pourtant c’est un de ces soirs dont je ne veux pas voir la fin. Il manque quelque chose. Un sentiment d’inaccompli. Dans une heure ou deux il sera définitivement trop tard pour tenter de dormir. Une nuit blanche serait moins dangereuse pour ma future journée.
Je pourrais sortir marcher, « à la fraîche », ça me réveillerait les idées. Comme d’habitude je ne croiserais personne. Mon quartier n’est pas du genre à accueillir les égarés nocturnes. Surtout au milieu de la semaine. Au final je rentrerai bien éveillé et parfaitement conscient d’avoir gâché ce temps en essayant de lui trouver un sens.
La fatigue ne compte pas vraiment. Si je lançais un film maintenant je m’endormirai devant, bêtement. Si j’écrivais, la fatigue de mes yeux m’empêcherait de finir. Dans tous les cas c’est une lutte étrange contre un ennemi inconnu. Si je savais peindre je me lancerai dans une nouvelle toile dès maintenant. C’est ce genre de nuit qui souhaiterait voir naitre une œuvre. Ce n’est peut-être pas cette nuit qui compte finalement. C’est simplement plus présent ce soir. Il y a quelque chose sous la surface qui veut déchirer la peau dans un jet sanglant. Ça rampe à la recherche d’une faille dans la carapace. Ça veut hurler ça veut détruire ça veut vivre. Ça ne demande qu’à exister, sans moyen pour s’exprimer.
C’est ce genre de nuit qui voudrait que je contemple la nuit de ma fenêtre, en laissant les pensées se mêler à l’imagination, à la lueur rougeoyante d’une cigarette.
C’est con, je fume pas.