Il se passa un peu d’eau sur le visage en laissant couler l’eau. Il venait d’avoir une nouvelle crise d’angoisse. Une petite dose de folie mêlée à une décharge d’adrénaline, l’esprit qui joue du banjo, le cerveau qui tremble. Il l’avait calmée avec un verre de whisky cul-sec. Du bon en plus. Mais ça avait le mérite de lui remettre les idées en place.
Trente ans. Il avait eu trente ans la semaine dernière. Il s’en foutait bien entendu. Une simple date. Un jour comme un autre. Ça ne signifiait rien. Il avait, pour l’occasion, descendu une bouteille et demi de Martini. Seul. Rien qu’une année de plus. Le temps passait sans qu’il n’ai de réelle prise sur lui. Sauf qu’il se mentait. Dans le miroir de la salle de bain, il se regarda et fît le bilan de ce que ses yeux voyaient et ce qu’ils savaient. Il commençait à se dégarnir. Son ventre était lourd et flasque même s’il voyait encore ses pieds. Le jour où il ne les verrait plus il se mettrai une balle pour sûr. Des demi-lunes violacées qui avaient élues domicile sous ses yeux depuis plus de dix ans venaient souligner le rouge injecté autour de ses yeux pales. Une barbe maladroitement rasée lui masquait en partie le visage. Ses lèvres, blanchies par les gerçures, s’entrouvraient sur un sourire sans conviction. Il se trouvait laid. Il se faisait peur même. Il n’avait ni enfant, ni femme, ni projet. Peu de contact humain, un métier sans saveur et pas d’avenir. Il avait trente ans et il lui restait autant d’années à supporter avant une rédemption en demi-teinte. Une suite interminable de jours identiques qui se répètent à l’infini. Il n’était pas trop tard. Avec de la volonté il pouvait tout recommencer…
Conneries ! il s’empoisonnait la tête et se berçait d’espoir. La réalité lui martelait le visage et il continuait de rêver éveillé. Il tenterai ceci ou cela, puis abandonnerait. Il était déjà trop tard. Il était trop tard depuis le début en fait. Il ne sait plus à quel moment sa vie lui a glissé des doigts mais en y repensant ça lui semblait si lointain. Comme le soleil se lève chaque jour, sa vie n’avait jamais commencé. Rien qu’une ébauche hasardeuse. Un brouillon pour tout dire. Sauf qu’il n’y a pas de deuxième essai.
Il referma le robinet d’eau et éteignit la lumière. Il alla directement se coucher, demain il devait se lever tôt.
Super bien écrit mais déprimant… on souhaite tous ne jamais en arriver à ce degré d’abattement