En sortant la lame de son étui je ne savais pas encore que j’allai me l’enfoncer dans le cœur.
Quel degré de volonté faut-il pour s’arracher les yeux ?
Combien de temps suis-je resté à contempler le fil de cette dague ?
Je suis resté étendu près de 6 heures au milieu de mon salon, la pointe enfoncé de 1,5 cm dans le cœur. Les yeux grands ouverts vers le plafond, je le voyais pourtant pas. Je pouvais voir mon cœur battre au rythme des tremblements de l’arme.
Si je m’étais évanoui tout aurait été différent aujourd’hui. Mais je suis resté conscient. En fait j’ai jamais été aussi éveillé qu’à cet instant et je reste dans cet état depuis.
Six heures. Ca semble si court et si long à la fois. Si long, si l’on considère que j’étais sur le fil, en parfait équilibre. Si court dans ma manière de le ressentir. Je ne sais même pas ce qui m’a pris de le faire. J’étais simplement là assis dans ma chambre à la regarder. Puis je me suis mis torse nu, je suis allé dans le salon, je me suis agenouillé et je l’ai fait. J’ai basculé en arrière. Comme un Christ de seconde zone entre le buffet et la table basse, la dague restant plantée entre 2 côtes comme le piquet d’un étendard. Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour ma perception. Le décor s’est estompé comme dans un rêve tout est devenu blanc, puis gris et enfin noir. Le noir complet, effrayant, dévorant, parfait. Plus de sons. Juste le sang qui afflue dans mes tempes. Les battements de mon cœur galopant puis le calme, la régularité. Mon corps totalement éveillé, comme si je sentais chaque atome qui le constituait. Enfin, plus rien. Plus de noir, plus de son, plus de sensation. Le vide complet. Et pourtant j’étais bien, ce n’était pas du plaisir, ni une joie juste un sentiment de bien être. Je ne me souviens pas avoir ressenti de douleur exceptée au moment de plonger le métal dans la chair, ensuite tout s’est noyé dans le temps. Au milieu de cet oasis de plénitude, j’ai commencé à voyager. Loin, très loin, peut-être même trop loin. Je ne vous dirais pas ce que j’ai vu. D’abord parce que ce n’est pas descriptible ensuite parce que même si je pouvais l’expliquer vous ne comprendriez pas, enfin parce que je suis certain que vous ne verriez pas les mêmes choses. Je sais que j’étais encore là-bas quand les secours sont arrivés. On m’a emmené à l’Hospital, opéré. Et envoyé en HP pour un mois. Je ne leur ai rien dit. Aujourd’hui je sais…
Pourquoi ranger ce texte dans Citations et autres conneries ?
Je ne trouve pas ça con.